J’entends souvent dire « je veux monter mon cheval avec un sidepull, car je ne veux pas le monter avec un mors ».
Dans cet article je vais faire un tour d’horizon des différentes ennasures (par analogie avec l’embouchure qui a une action sur la bouche, l’ennasure a une action sur le nez) et de celles que j’utilise et dans quelles circonstances.
Dans ma philosophie de travail, la finalité est de monter un cheval en cordelette (uniquement avec une corde autour de l’encolure). Pour y parvenir, j’utilise différents types d’ennasures à des moments clés en fonction de l’évolution du cheval : de son entraînement mental, de sa coordination et de sa musculature.
Une remarque cependant à ce propos, je parle de monter un cheval en cordelette dans un endroit clôturé, car pour des raisons de sécurité vis-à-vis des autres personnes, animaux, véhicules, objets ou autre, je ne m’aventurerai pas en extérieur uniquement avec une cordelette. Ceci, même si je fais pleinement confiance à mon cheval, il y a trop d’événements imprévus qui pourraient avoir de graves conséquences.
J’utilise le sidepull au moment du débourrage du cheval pour que les demandes soient les plus précises possibles dans son apprentissage des directions. Le travail avec un sidepull est similaire à celui que l’on peut effectuer avec un mors de filet, à savoir principalement des rênes d’ouverture. Il s’agit donc de l’outil idéal pour préparer un jeune cheval. Cet outil ne demande pas un niveau de technicité très élevé (pour le cheval et le cavalier) et s’adapte à de nombreuses situations. Il peut donc être utilisé au débourrage ou au début du travail si des dents de loups gênent le jeune cheval, mais il sera également possible d’y revenir plus tard dans le travail du cheval.
(source kramer.fr)
En fait c’est quoi un sidepull ? Beaucoup de brides sans mors sont appelé comme tel, mais ce ne sont pas des sidepulls. Voici un exemple de ce que j’appelle des ennasures de type sidepull.
(source kramer.fr)
Il existe des modèles qui comportent une muserolle en corde, en rawhide (cuir cru non tanné) ou en cuir. On entend parfois dire que certains sont plus « méchants » que d’autres pour le cheval, mais tout est une question de main lors de son utilisation. Une traction forte sur une muserolle en cuir sera bien plus désagréable qu’une main douce sur une muserolle en corde. Une muserolle en corde ou en rawhide agira plus précisément que le cuir sur le nez du cheval, elle sera donc à privilégier pour un cheval ayant un niveau de dressage plus avancé. Il ne faut, en effet, pas oublier que la muserolle du sidepull repose sur une partie très innervée du nez du cheval et un contact trop fort pourrait être très désagréable pour lui. Je dirai que le choix de la muserolle est en fonction de la préférence de chaque cheval en fonction de sa sensibilité.
(source kramer.fr)
Ce qui caractérise le sidepull est cette partie en Y inversé sur le côté, ainsi que la fixation des rênes sur les côtés au niveau des joues du cheval. Cette partie en Y inversé permet de stabiliser le sidepull lors des demandes.
(source wikipedia.org)
Ce licol –appelé parfois « licol éthologique », mais je lui préfère l’appellation licol en corde, ou licol à noeuds– n’est pas un sidepull. Quand bien même, il existerait des modèles avec des anneaux sur les côtés pour y accrocher des rênes, cela ne transforme pas un licol à noeuds en sidepull. Ce type de licol a été popularisé récemment dans la culture équestre, et reste, malheureusement à mon avis, victime d’un effet de mode. Bien qu’il est possible d’avoir un cheval équilibré lorsqu’il est monté avec ce type de licol, il est malheureusement très rare qu’il soit utilisé correctement et à bon escient.
Un cheval qui porte sa tête vers le bas n’est pas pour autant équilibré ; par cheval équilibré, j’entends un cheval qui ne porte pas la grande majorité de son poids sur ses épaules, qui engage ses postérieurs et qui remonte son dos en contractant ses muscles abdominaux. Lorsque je travaille un jeune cheval, je vais en premier lui apprendre à descendre son encolure pour faire fonctionner la connexion entre son ligament nuchal et son ligament supra-épineux. Ces deux ligaments jouent un rôle très important dans le maintien postural et éviteront des problèmes dorsaux ultérieurs. Dans la suite du travail avec le cheval, je lui demanderai une attitude qui impliquera un travail plus important de sa musculature. L’encolure vers le bas est une première étape qui ouvre la voie vers une utilisation plus complète de ses muscles, notamment les muscles fessiers et abdominaux, dans le respect de sa physiologie.
Ce type de licol permet de faire des demandes très précises au cheval, toutefois j’observe souvent des cavaliers qui exercent une forte pression sur le licol pour avoir une réaction de la part du cheval. Parfois, j’observe également ce type de licol utilisé avec « mouton » sur la muserolle afin d’éviter que la corde blesse le cheval ou -pire encore- car celui-ci ne supporte le contact des noeuds sur son nez. Ces situations sont aberrantes. Si une forte traction doit être exercée sur les rênes, par exemple au point que l’attache du licol entre en contact avec la poitrine du cheval –vous êtes-vous déjà filmé lors d’une séance de travail pour observer l’utilisation de vos mains ? je le fais régulièrement et c’est très enrichissant– c’est que le cheval ne comprend pas ce qui lui a été demandé. Soit le cheval n’est pas encore prêt à recevoir ce type d’ordre, soit il n’apprécie pas les contacts sur les parois de son nez, fortement innervée je le rappelle, soit sa musculature ne lui permet pas de répondre à la demande du cavalier ou encore l’assiette du cavalier déséquilibre le cheval. Dans tous les cas, ce licol n’est pas (encore) adapté au couple cavalier/cheval. Il conviendrait de choisir un autre type d’ennasure ou d’embouchure plus adaptée dans la situation actuelle.
Personnellement, je n’utilise pas ce licol en corde pour le travail en selle, mais je l’utilise pour le travail à pied. Pour le travail en selle, je lui préfère le bosal.
Le bosal est un outil qui demande une main fine et beaucoup de précision dans les demandes. Le mieux pour apprendre à l’utiliser correctement est de se tourner vers un professionnel spécialisé dans ce type d’ennasure. Techniquement, ce qui est appelé bosal est uniquement la partie en rawhide (cuir cru non tanné). Lorsqu’il est assemblé avec son support (hanger) et sa mécate (rênes typiques du bosal qui se nouent de manière à former des rênes et une corde), il est appelé hackamore (à ne pas confondre avec le hackamore mécanique). Personnellement, j’utilise le bosal pour avancer dans le travail de dressage avec le cheval, c’est à dire une fois que le cheval a été débourré au sidepull et qu’il a commencé à apprendre le travail de base avec un mors de filet. J’alterne ensuite des séances avec le bosal et des séances avec un mors. J’apprécie également l’utilisation du bosal lorsque je me rends en extérieur avec un cheval. Le travail latéral étant difficile à obtenir sur un jeune cheval avec un bosal, il est nécessaire d’utiliser également le sidepull ou le mors de filet. On entend parfois dire que le bosal est une ennasure dangereuse qui peut blesser le cheval, oui c’est le cas, mais ce n’est pas pire qu’une autre ennasure ou embouchure utilisée par un cavalier ne comprenant pas son fonctionnement et n’ayant pas l’expérience nécessaire à sa bonne utilisation.
Le hackamore mécanique qui, je le rappelle, est différent du hackamore constitué du bosal + hanger + mecate. Je n’utilise pas de hackamore mécnanique dans mon travail avec les chevaux, je n’en parlerai donc pas plus ici, mais c’est une ennasure à ne pas mettre entre toutes les mains, car de part son effet, les risques de fractures du nez du cheval sont réels.
(photo par Olgalady)
En conclusion, vouloir monter sans mors, c’est très intéressant et ouvre une nouvelle dimension dans le partenariat avec son cheval. Cependant, il convient de choisir l’ennasure qui nous correspond le mieux à nous et notre cheval, en fonction de notre capacité à utiliser les aides à bon escient, à utiliser le poids de son corps pour guider le cheval (l’assiette, j’en parlerais dans un prochain article consacré à l’équitation centrée) et également du niveau de dressage de notre cheval. En cas de doute ou de questions, faites appel à un professionnel spécialisé dans l’ennasure de votre choix.
Vouloir monter sans mors pour suivre le phénomène de mode n’est pas une bonne idée à mon avis. Le cheval, quel que soit son âge et son niveau de dressage, doit être travaillé de manière à ce qu’il puisse être équilibré. Un jeune cheval, qui accueille un humain sur son dos depuis peu de temps, doit pouvoir se muscler correctement pour bien préparer la suite de sa vie. Le renforcement de la musculature doit faire partie de l’entraînement du cheval au dressage avancé afin de préserver son capital santé et d’être mieux avec son cavalier sur son dos. Et c’est aussi vrai pour un vieux cheval, qui ne travaille plus qu’occasionnellement, mais pour lequel un travail de renforcement de sa musculature dorsale est indispensable pour l’accompagner au mieux dans le processus de vieillissement. Vouloir être « gentil » et ne pas mettre de mors, mais tirer constamment sur les rênes, avoir un cheval qui creuse son dos, mais qui n’a aucun engagement de la part de ses postérieurs, c’est plus irrespectueux et mauvais pour sa santé que de lui mettre un mors, utiliser des effets de mains doux et d’avoir son cheval équilibré.
Merci pour cet article intéressant !
Je monte mon jeune cheval en sidepull et n’ai pas l’intention à priori de le monter en mors ultérieurement, tant je suis conquise par l’efficacité et la douceur de cette ennasure. Par contre je trouve assez difficile d’obtenir, sans mors, une attitude détendue et vers le bas, même en insistant sur l’impulsion et l’engagement des postérieurs (même si nous devons encore bien progresser sur ce plan !) Peut-être est-ce dû à l’absence de décontraction de la mâchoire (que procurerait le mors) ?
Que pourriez-vous me conseiller pour travailler ça et aider mon cheval à bien remonter son dos ? Merci
Merci pour votre commentaire et je suis ravie que mon article vous intéresse.
Comme vous le relevez, la clé de réussite pour avoir un cheval qui a une attitude détendue et vers le bas, se situe bien au niveau de ses postérieurs (là où se trouve « le moteur »). Car avoir une attitude détendue implique effectivement un bon engagement des postérieurs sous le ventre du cheval pour l’aider à se porter et à diminuer le poids porté naturellement en majorité par les antérieurs.
Pour travailler au niveau des postérieurs, plutôt que de demander au cheval d’engager, je vous suggère de lui demande un désengagement de ses postérieurs, c’est à dire de lui demander des exercices du type des hanches en dehors.
Vous pouvez facilement mettre cela en place, dans un premier temps à l’arrêt et vous lui demandez de déplacer ses hanches vers la gauche, puis vers la droite. Ensuite, lorsque cet exercice sera bien acquis, vous demanderez la même chose mais en marchant sur un petit cercle (la taille du cercle sera à ajuster en fonction de la difficulté ou de la facilité que le cheval montrera à effectuer l’exercice. Le cheval devra alors déplacer ses hanches vers l’extérieur du cercle. Dans un premier temps, vous vous contenterez d’un seul pas et vous féliciterez, puis petit à petit vous lui en demanderez plusieurs jusqu’à poursuivre l’exercice sur 2-3 cercles. Vous pourrez ensuite, répétez le même exercice au trot, en y allant toujours au début avec un seul pas, puis en augmentant progressivement.
Surtout ne faire attention d’y aller progressivement, de se fixer un objectif simple pour une séance et de s’y tenir et de demander plus uniquement lorsque l’exercice précédent est parfaitement acquis. En ce qui concerne le passage aux allures, là aussi, uniquement lorsque l’exercice est parfaitement acquis dans l’allure inférieur.
Je vous souhaite de bonnes séances d’entraînement avec votre cheval, et surtout avec un jeune, demandez peu et récompensez 2x plus, il vous le revaudra 🙂
Bonjour madame,
Je tiens tout d’abord à dire que votre article est très enrichissant aussi bien sur le plan théorique que sur le plan technique, et permet d’avoir une bonne appréciation concernant l’utilisation d’une ennasure sans tomber dans les travers des effets dit « de mode ».
Pour ma part j’ai commencé le débourrage de mon jeune cheval de 3.5 ans avec une ennasure peu connu mais qui allie side-pull ainsi que bitless :le likorne. En combinant le travail aux longues rênes il commence à assimiler les codes tactiles servant une fois en selle. Je lui ai appris l’extension d’encolure ce qui permet de faciliter le portage du cavalier et il commence à mobiliser épaules comme hanches.
Cependant, (et c’est dans ce but que je vous envoie ce message) malgré qu’il réagisse finement au poids du corps, aux jambes, au regard, et aux mains, il a tendance sous la selle à précipiter, voire à trottiner malgré que je lui laisse sa liberté tête-encolure et que je ne lui impose pas de contact permanent ce qui l’amènerait à ce creuser. De plus, je remarque qu’il me manque un peu de contrôle concernant le frein comme s’il ne comprenait pas la demande malgré que je m’évertue à avoir les mains douces.
J’ai beau me creuser les méninges je ne vois pas ou se trouvent mes lacunes. Est ce parce que je ne l’ai pas assez préparé à pied ? Est il déséquilibré par mon poids ce qui l’amène à précipiter ? Si ce n’est pas trop indiscret de ma part : comment codifier vous vos demandes pour l’arrêt, la direction, etc…quand vous débourrer un poulain ?
En espérant que mes questions trouverons des réponses éclairées,
recevez madame mes plus cordiales salutations.